Page:Zola - Nana.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.
26
LES ROUGON-MACQUART

gnon, côte à côte, faisaient des révérences. On applaudissait, la claque poussait des acclamations. Puis, la salle, lentement, se vida à moitié.

— Il faut que j’aille saluer la comtesse Muffat, dit la Faloise.

— C’est ça, tu vas me présenter, répondit Fauchery. Nous descendrons ensuite.

Mais il n’était pas facile d’arriver aux loges de balcon. Dans le couloir, en haut, on s’écrasait. Pour avancer, au milieu des groupes, il fallait s’effacer, se glisser en jouant des coudes. Adossé sous une lampe de cuivre, où brûlait un jet de gaz, le gros critique jugeait la pièce devant un cercle attentif. Des gens, au passage, se le nommaient à demi-voix. Il avait ri pendant tout l’acte, c’était la rumeur des couloirs ; pourtant, il se montrait très sévère, parlait du goût et de la morale. Plus loin, le critique aux lèvres minces était plein d’une bienveillance qui avait un arrière-goût gâté, comme du lait tourné à l’aigre.

Fauchery fouillait les loges d’un coup d’œil, par les baies rondes taillées dans les portes. Mais le comte de Vandeuvres l’arrêta, en le questionnant ; et quand il sut que les deux cousins allaient saluer les Muffat, il leur indiqua la loge 7, d’où justement il sortait. Puis, se penchant à l’oreille du journaliste :

— Dites donc, mon cher, cette Nana, c’est pour sûr elle que nous avons vue un soir, au coin de la rue de Provence…

— Tiens ! vous avez raison, s’écria Fauchery. Je disais bien que je la connaissais !

La Faloise présenta son cousin au comte Muffat de Beuville, qui se montra très froid. Mais, au nom de Fauchery, la comtesse avait levé la tête, et elle complimenta le chroniqueur sur ses articles du Fi-