Page:Zola - Nana.djvu/256

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Si, couchons-nous, balbutia-t-il.

Elle réprima un geste de violence. La patience lui échappait. Est-ce qu’il devenait idiot ?

— Voyons, va-t’en, dit-elle une seconde fois.

— Non.

Alors, elle éclata, exaspérée, révoltée.

— Mais c’est dégoûtant !… Comprends donc, j’ai de toi plein le dos, va retrouver ta femme qui te fait cocu… Oui, elle te fait cocu ; c’est moi qui te le dis, maintenant… Là ! as-tu ton paquet ? finiras-tu par me lâcher ?

Les yeux de Muffat s’emplirent de larmes. Il joignit les mains.

— Couchons-nous.

Du coup, Nana perdit la tête, étranglée elle-même par des sanglots nerveux. On abusait d’elle, à la fin ! Est-ce que ces histoires la regardaient ? Certes, elle avait mis tous les ménagements possibles pour l’instruire, par gentillesse. Et l’on voulait lui faire payer les pots cassés ! Non, par exemple ! Elle avait bon cœur, mais pas tant que ça.

— Sacré nom ! j’en ai assez ! jurait-elle en tapant du poing sur les meubles. Ah bien ! moi qui me tenais à quatre, moi qui voulais être fidèle… Mais, mon cher, demain, je serais riche, si je disais un mot.

Il leva la tête, surpris. Jamais il n’avait songé à cette question d’argent. Si elle témoignait un désir, tout de suite il le réaliserait. Sa fortune entière était à elle.

— Non, c’est trop tard, répliqua-t-elle rageusement. J’aime les hommes qui donnent sans qu’on demande… Non, vois-tu, un million pour une seule fois, je refuserais. C’est fini, j’ai autre chose là… Va-t’en, ou je ne réponds plus de rien. Je ferais un malheur.

Elle s’avançait vers lui, menaçante. Et, dans cette