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LES ROUGON-MACQUART

Les statues blanches, dominant le jardin dépouillé, semblaient mettre des Vénus frileuses, parmi les feuilles jaunies d’un parc. Sous le porche, il souffla un instant, fatigué par la montée du large perron. Puis, il entra. L’église était très froide, avec son calorifère éteint de la veille, ses hautes voûtes emplies d’une buée fine qui avait filtré par les vitraux. Une ombre noyait les bas-côtés, pas une âme n’était là, on entendait seulement, au fond de cette nuit louche, un bruit de savate, quelque bedeau traînant les pieds dans la maussaderie du réveil. Lui, pourtant, après s’être cogné à une débandade de chaises, perdu, le cœur gros de larmes, était tombé à genoux contre la grille d’une petite chapelle, près d’un bénitier. Il avait joint les mains, il cherchait des prières, tout son être aspirait à se donner dans un élan. Mais ses lèvres seules bégayaient des paroles, toujours son esprit fuyait, retournait dehors, se remettait en marche le long des rues, sans repos, comme sous le fouet d’une nécessité implacable. Et il répétait : « Ô mon Dieu, venez à mon secours ! Ô mon Dieu, n’abandonnez pas votre créature qui s’abandonne à votre justice ! Ô mon Dieu, je vous adore, me laisserez-vous périr sous les coups de vos ennemis ! » Rien ne répondait, l’ombre et le froid lui tombaient sur les épaules, le bruit des savates, au loin, continuait et l’empêchait de prier. Il n’entendait toujours que ce bruit irritant, dans l’église déserte, où le coup de balai du matin n’était pas même donné, avant le petit échauffement des premières messes. Alors, s’aidant d’une chaise, il se releva, avec un craquement de genoux. Dieu n’y était pas encore. Pourquoi aurait-il pleuré entre les bras de M. Venot ? Cet homme ne pouvait rien.

Et, machinalement, il retourna chez Nana. Dehors, ayant glissé, il sentit des larmes lui venir aux