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NANA

cocuage par la figure. Elle aurait aimé le confesser là-dessus, tranquillement. Mais, à la fin, il l’exaspérait ; ça devait finir.

— Alors, mon petit, reprit-elle, je ne sais pas ce que tu fiches chez moi… Tu m’assommes depuis deux heures… Va donc retrouver ta femme, qui fait ça avec Fauchery. Oui, tout juste, rue Taitbout, au coin de la rue de Provence… Je te donne l’adresse, tu vois.

Puis, triomphante, voyant Muffat se mettre debout avec le vacillement d’un bœuf assommé :

— Si les femmes honnêtes s’en mêlent et nous prennent nos amants !… Vrai, elles vont bien, les femmes honnêtes !

Mais elle ne put continuer. D’un mouvement terrible, il l’avait jetée par terre, de toute sa longueur ; et, levant le talon, il voulait lui écraser la tête pour la faire taire. Un instant, elle eut une peur affreuse. Aveuglé, comme fou, il s’était mis à battre la chambre. Alors, le silence étranglé qu’il gardait, la lutte dont il était secoué, la touchèrent jusqu’aux larmes. Elle éprouvait un regret mortel. Et, se pelotonnant devant le feu pour se cuire le côté droit, elle entreprit de le consoler.

— Je te jure, chéri, je croyais que tu le savais. Sans cela, je n’aurais pas parlé, bien sûr… Puis, ce n’est pas vrai, peut-être. Moi, je n’affirme rien. On m’a dit ça, le monde en cause ; mais qu’est-ce que ça prouve ?… Ah ! va, tu as bien tort de te faire de la bile. Si j’étais homme, c’est moi qui me ficherais des femmes ! Les femmes, vois-tu, en haut comme en bas, ça se vaut : toutes noceuses et compagnie.

Elle tapait sur les femmes, par abnégation, voulant lui rendre le coup moins cruel. Mais il ne l’écoutait