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NANA

et vint appuyer sa gorge contre les genoux du comte.

— Imagine-toi, il jure que tu l’avais encore, lorsque tu as épousé ta femme… Hein ? tu l’avais encore ?… Hein ? est-ce vrai ?

Elle le pressait du regard, elle avait remonté les mains jusqu’à ses épaules, et le secouait pour lui arracher cette confession.

— Sans doute, répondit-il enfin d’un ton grave.

Alors, elle s’abattit de nouveau à ses pieds, dans une crise de fou rire, bégayant, lui donnant des tapes.

— Non, c’est impayable, il n’y a que toi, tu es un phénomène… Mais, mon pauvre chien, tu as dû être d’un bête ! Quand un homme ne sait pas, c’est toujours si drôle ! Par exemple, j’aurais voulu vous voir !… Et ça s’est bien passé ? Raconte un peu, oh ! je t’en prie, raconte.

Elle l’accabla de questions, demandant tout, exigeant les détails. Et elle riait si bien, avec de brusques éclats qui la faisaient se tordre, la chemise glissée et retroussée, la peau dorée par le grand feu, que le comte, peu à peu, lui conta sa nuit de noces. Il n’éprouvait plus aucun malaise. Cela finissait par l’amuser lui-même, d’expliquer, selon l’expression convenable, « comment il l’avait perdu ». Il choisissait seulement les mots, par un reste de honte. La jeune femme, lancée, l’interrogea sur la comtesse. Elle était merveilleusement faite, mais un vrai glaçon, à ce qu’il prétendait.

— Oh ! va, murmura-t-il lâchement, tu n’as pas à être jalouse.

Nana avait cessé de rire. Elle reprit sa place, le dos au feu, ramenant de ses deux mains jointes ses genoux sous le menton. Et, sérieuse, elle déclara :