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NANA

Par prudence, dans l’antichambre, elle donna un ordre à Zoé.

— Tu le guetteras, tu lui recommanderas de ne pas faire de bruit, si l’autre est encore avec moi.

— Mais où le mettrai-je, madame ?

— Garde-le à la cuisine. C’est plus sûr.

Muffat, dans la chambre, ôtait déjà sa redingote. Un grand feu brûlait. C’était toujours la même chambre, avec ses meubles de palissandre, ses tentures et ses sièges de damas broché, à grandes fleurs bleues sur fond gris. Deux fois, Nana avait rêvé de la refaire, la première tout en velours noir, la seconde en satin blanc, avec des nœuds roses ; mais, dès que Steiner consentait, elle exigeait l’argent que ça coûterait, pour le manger. Elle avait eu seulement le caprice d’une peau de tigre devant la cheminée, et d’une veilleuse de cristal, pendue au plafond.

— Moi, je n’ai pas sommeil, je ne me couche pas, dit-elle, lorsqu’ils se furent enfermés.

Le comte lui obéissait avec une soumission d’homme qui ne craint plus d’être vu. Son unique souci était de ne pas la fâcher.

— Comme tu voudras, murmura-t-il.

Pourtant, il retira encore ses bottines, avant de s’asseoir devant le feu. Un des plaisirs de Nana était de se déshabiller en face de son armoire à glace, où elle se voyait en pied. Elle faisait tomber jusqu’à sa chemise ; puis, toute nue, elle s’oubliait, elle se regardait longuement. C’était une passion de son corps, un ravissement du satin de sa peau et de la ligne souple de sa taille, qui la tenait sérieuse, attentive, absorbée dans un amour d’elle-même. Souvent, le coiffeur la trouvait ainsi, sans qu’elle tournât la tête. Alors, Muffat se fâchait, et elle restait surprise. Que lui pre-