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LES ROUGON-MACQUART

tant, au milieu du bruit, Lucy continua, sautant à un autre sujet, pressant Nana de partir avec la bande, le lendemain. L’Exposition allait fermer, ces dames devaient rentrer à Paris, où la saison dépassait leurs espérances. Mais Nana s’entêtait. Elle abominait Paris, elle n’y ficherait pas les pieds de sitôt.

— N’est-ce pas ? chéri, nous restons, dit-elle en serrant les genoux de Georges, sans s’inquiéter de Steiner.

Les voitures s’étaient brusquement arrêtées. Surprise, la société descendit dans un endroit désert, au bas d’un coteau. Il fallut qu’un des cochers leur montrât du bout de son fouet les ruines de l’ancienne abbaye de Chamont, perdues dans les arbres. Ce fut une grosse déception. Les dames trouvèrent ça idiot : quelques tas de décombres, couverts de ronces, avec une moitié de tour écroulée. Vrai, ça ne valait pas la peine de faire deux lieues. Le cocher leur indiqua alors le château, dont le parc commençait près de l’abbaye, en leur conseillant de prendre un petit chemin et de suivre les murs ; ils feraient le tour, pendant que les voitures iraient les attendre sur la place du village. C’était une promenade charmante. La société accepta.

— Fichtre ! Irma se met bien ! dit Gaga en s’arrêtant devant une grille, dans l’angle du parc, sur la route.

Tous, silencieusement, regardèrent le fourré énorme qui bouchait la grille. Puis, dans le petit chemin, ils suivirent la muraille du parc, levant les yeux pour admirer les arbres, dont les branches hautes débordaient en une voûte épaisse de verdure. Au bout de trois minutes, ils se trouvèrent devant une nouvelle grille ; celle-là laissait voir une large pelouse où deux chênes séculaires faisaient des