Page:Zola - Nana.djvu/210

Cette page a été validée par deux contributeurs.
210
LES ROUGON-MACQUART

côtés de madame Hugon ; tandis que Vandeuvres, la mine correcte et ennuyée sur cette grande route, marchait à la queue, fumant un cigare. M. Venot, ralentissant ou pressant le pas, allait d’un groupe à un autre, avec un sourire, comme pour tout entendre.

— Et ce pauvre Georges qui est à Orléans ! répétait madame Hugon. Il a voulu consulter sur ses migraines le vieux docteur Tavernier, qui ne sort plus… Oui, vous n’étiez pas levé, il est parti avant sept heures. Ça le distraira toujours.

Mais elle s’interrompit pour dire :

— Tiens ! qu’ont-ils donc à s’arrêter sur le pont ?

En effet, ces dames, Daguenet, Fauchery se tenaient immobiles à la tête du pont, l’air hésitant, comme si un obstacle les eût inquiétés. Le chemin était libre pourtant.

— Avancez ! cria la comte.

Ils ne bougèrent pas, regardant quelque chose qui venait et que les autres ne pouvaient voir encore. La route tournait, bordée d’un épais rideau de peupliers. Cependant, une rumeur sourde grandissait, des bruits de roue mêlés à des rires, à des claquements de fouet. Et, tout d’un coup, cinq voitures parurent, à la file, pleines à rompre les essieux, égayées par un tapage de toilettes claires, bleues et roses.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? dit madame Hugon surprise.

Puis, elle sentit, elle devina, révoltée d’un pareil envahissement de sa route.

— Oh ! cette femme ! murmura-t-elle. Marchez, marchez donc. N’ayez pas l’air…

Mais il n’était plus temps. Les cinq voitures, qui conduisaient Nana et sa société aux ruines de Chamont, s’engageaient sur le petit pont de bois. Fau-