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NANA

lorsque tout son monde fut casé, Nana, d’abord furieuse, était enchantée de jouer à la châtelaine. Ces dames la complimentaient sur la Mignotte, une propriété renversante, ma chère ! Puis, elles lui apportaient une bouffée de l’air de Paris, les potins de cette dernière semaine, parlant toutes à la fois, avec des rires, des exclamations, des tapes. À propos, et Bordenave ! qu’avait-il dit de sa fugue ? Mais pas grand-chose. Après avoir gueulé qu’il la ferait ramener par les gendarmes, il l’avait simplement doublée, le soir ; même que la doublure, la petite Violaine, obtenait, dans la blonde Vénus, un très joli succès. Cette nouvelle rendit Nana sérieuse.

Il n’était que quatre heures. On parla de faire un tour.

— Vous ne savez pas, dit Nana, je partais ramasser des pommes de terre, quand vous êtes arrivés.

Alors, tous voulurent aller ramasser des pommes de terre, sans même changer de vêtements. Ce fut une partie. Le jardinier et deux aides se trouvaient déjà dans le champ, au fond de la propriété. Ces dames se mirent à genoux, fouillant la terre avec leurs bagues, poussant des cris, lorsqu’elles découvraient une pomme de terre très grosse. Ça leur semblait si amusant ! Mais Tatan Néné triomphait ; elle en avait tellement ramassé dans sa jeunesse, qu’elle s’oubliait et donnait des conseils aux autres, en les traitant de bêtes. Les messieurs travaillaient plus mollement. Mignon, l’air brave homme, profitait de son séjour à la campagne pour compléter l’éducation de ses fils : il leur parlait de Parmentier.

Le soir, le dîner fut d’une gaieté folle. On dévorait. Nana, très lancée, s’empoigna avec son maître d’hôtel, un garçon qui avait servi à l’évêché d’Orléans. Au café, les dames fumèrent. Un bruit de noce à tout