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LES ROUGON-MACQUART

baignant sa tête brûlante dans la fraîcheur et le silence de la nuit.

Alors, les jours suivants, la vie fut adorable. Nana, entre les bras du petit, retrouvait ses quinze ans. C’était, sous la caresse de cette enfance, une fleur d’amour refleurissant chez elle, dans l’habitude et le dégoût de l’homme. Il lui venait des rougeurs subites, un émoi qui la laissait frissonnante, un besoin de rire et de pleurer, toute une virginité inquiète, traversée de désirs, dont elle restait honteuse. Jamais elle n’avait éprouvé cela. La campagne la trempait de tendresse. Étant petite, longtemps elle avait souhaité vivre dans un pré, avec une chèvre, parce qu’un jour, sur le talus des fortifications, elle avait vu une chèvre qui bêlait, attachée à un pieu. Maintenant, cette propriété, toute cette terre à elle, la gonflait d’une émotion débordante, tant ses ambitions se trouvaient dépassées. Elle était ramenée aux sensations neuves d’une gamine ; et le soir, lorsque, étourdie par sa journée vécue au grand air, grisée de l’odeur des feuilles, elle montait rejoindre son Zizi, caché derrière le rideau, ça lui semblait une escapade de pensionnaire en vacances, un amour avec un petit cousin qu’elle devait épouser, tremblante au moindre bruit, redoutant que ses parents ne l’entendissent, goûtant les tâtonnements délicieux et les voluptueuses épouvantes d’une première faute.

Nana eut, à ce moment, des fantaisies de fille sentimentale. Elle regardait la lune pendant des heures. Une nuit, elle voulut descendre au jardin avec Georges, quand toute la maison fut endormie ; et ils se promenèrent sous les arbres, les bras à la taille, et ils allèrent se coucher dans l’herbe, où la rosée les trempa. Une autre fois, dans la chambre, après un