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LES ROUGON-MACQUART

fait bâtir, après deux ans de séjour à Naples, et dont il s’était dégoûté tout de suite.

— Je vais faire visiter à madame, dit le jardinier.

Mais elle l’avait devancé, elle lui criait de ne pas se déranger, qu’elle visiterait elle-même, qu’elle aimait mieux ça. Et, sans ôter son chapeau, elle se lança dans les pièces, appelant Zoé, lui jetant des réflexions d’un bout à l’autre des couloirs, emplissant de ses cris et de ses rires le vide de cette maison inhabitée depuis de longs mois. D’abord, le vestibule : un peu humide, mais ça ne faisait rien, on n’y couchait pas. Très chic, le salon, avec ses fenêtres ouvertes sur une pelouse ; seulement, le meuble rouge était affreux, elle changerait ça. Quant à la salle à manger, hein ! la belle salle à manger ! et quelles noces on donnerait à Paris, si l’on avait une salle à manger de cette taille ! Comme elle montait au premier étage, elle se souvint qu’elle n’avait pas vu la cuisine ; elle redescendit en s’exclamant, Zoé dut s’émerveiller sur la beauté de l’évier et sur la grandeur de l’âtre, où l’on aurait fait rôtir un mouton. Lorsqu’elle fut remontée, sa chambre surtout l’enthousiasma, une chambre qu’un tapissier d’Orléans avait tendue de cretonne Louis XVI, rose tendre. Ah bien ! on devait joliment dormir là-dedans ! un vrai nid de pensionnaire ! Ensuite quatre ou cinq chambres d’amis, puis des greniers magnifiques ; c’était très commode pour les malles. Zoé, rechignant, jetant un coup d’œil froid dans chaque pièce, s’attardait derrière madame. Elle la regarda disparaître en haut de l’échelle raide des greniers. Merci ! elle n’avait pas envie de se casser les jambes. Mais une voix lui arriva, lointaine, comme soufflée dans un tuyau de cheminée.