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NANA

mées. Quand on ouvrait la porte de ce trou à charbon, un souffle violent d’alcool en sortait, qui se mêlait à l’odeur de graillon de la loge et au parfum pénétrant des bouquets laissés sur la table.

— Alors, reprit la concierge quand elle eut servi les figurants, c’est ce petit brun là-bas, que vous voulez ?

— Mais non, pas de bêtise ! dit Simonne. C’est le maigre, à côté du poêle, celui dont votre chatte sent le pantalon.

Et elle emmena la Faloise dans le vestibule, pendant que les autres messieurs se résignaient, étouffant, pris à la gorge, et que les chienlits buvaient le long des marches de l’escalier, en s’allongeant des claques, avec des gaietés enrouées de soulards.

En haut, sur la scène, Bordenave s’emportait contre les machinistes, qui n’en finissaient pas d’enlever le décor. C’était fait exprès, le prince allait recevoir quelque ferme sur la tête.

— Appuyez ! appuyez ! criait le chef d’équipe.

Enfin, la toile de fond monta, la scène était libre. Mignon, qui guettait Fauchery, saisit l’occasion pour recommencer ses bourrades. Il l’empoigna dans ses grands bras, en criant :

— Prenez donc garde ! ce mât a failli vous écraser.

Et il l’emportait, et il le secouait, avant de le remettre par terre. Devant les rires exagérés des machinistes, Fauchery devint pâle ; ses lèvres tremblaient, il fut sur le point de se révolter, pendant que Mignon se faisait bonhomme, lui donnant sur l’épaule des tapes affectueuses à le casser en deux, répétant :

— C’est que je tiens à votre santé, moi !… Fichtre ! je serais joli, s’il vous arrivait malheur !

Mais un murmure courut : « Le prince ! Le prince ! » Et chacun tourna les yeux vers la petite porte de la