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LES ROUGON-MACQUART

sais que le prince, avant-hier, chez l’impératrice, l’avait invité à dîner pour ce soir… Il l’aura débauché ensuite.

— Tiens ! le comte Muffat, nous connaissons son beau-père, n’est-ce pas, Auguste ? dit Rose en s’adressant à Mignon. Tu sais, le marquis de Chouard, chez qui je suis allée chanter ?… Justement, il est aussi dans la salle. Je l’ai aperçu au fond d’une loge. En voilà un vieux…

Prullière, qui venait de coiffer son immense plumet, se retourna pour l’appeler.

— Eh ! Rose, allons-y.

Elle le suivit en courant, sans achever sa phrase. À ce moment, la concierge du théâtre, madame Bron, passait devant la porte, avec un énorme bouquet entre les bras. Simonne demanda plaisamment si c’était pour elle ; mais la concierge, sans répondre, désigna du menton la loge de Nana, au fond du couloir. Cette Nana ! on la couvrait de fleurs. Puis, comme madame Bron revenait, elle remit une lettre à Clarisse, qui laissa échapper un juron étouffé. Encore ce raseur de la Faloise ! en voilà un homme qui ne voulait pas la lâcher ! Et lorsqu’elle apprit que le monsieur attendait, chez la concierge, elle cria :

— Dites-lui que je descends après l’acte… Je vas lui coller ma main sur la figure.

Fontan s’était précipité, répétant :

— Madame Bron, écoutez… Écoutez donc, madame Bron… Montez à l’entr’acte six bouteilles de champagne.

Mais l’avertisseur avait reparu, essoufflé, la voix chantante.

— Tout le monde en scène !… À vous, monsieur Fontan ! Dépêchez ! dépêchez !