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LES ROUGON-MACQUART

Blanche, entendit cette invitation. Elle haussa la voix, disant au banquier :

— C’est une rage qu’elles ont toutes. Il y en a une qui m’a volé jusqu’à mon chien… Voyons, mon cher, est-ce ma faute si vous la lâchez ?

Rose tourna la tête. Elle buvait son café à petites gorgées, elle regardait Steiner fixement, très pâle ; et toute la colère contenue de son abandon passa dans ses yeux comme une flamme. Elle voyait plus clair que Mignon ; c’était bête d’avoir voulu recommencer l’affaire de Jonquier, ces machines-là ne réussissaient pas deux fois. Tant pis ! elle aurait Fauchery, elle s’en toquait depuis le souper ; et si Mignon n’était pas content, ça lui apprendrait.

— Vous n’allez pas vous battre ? vint dire Vandeuvres à Lucy Stewart.

— Non, n’ayez pas peur. Seulement, qu’elle se tienne tranquille, ou je lui lâche son paquet.

Et, appelant Fauchery d’un geste impérieux :

— Mon petit, j’ai tes pantoufles à la maison. Je te ferai mettre ça demain chez ton concierge.

Il voulut plaisanter. Elle s’éloigna d’un air de reine. Clarisse, qui s’était adossée contre un mur afin de boire tranquillement un verre de kirsch, haussait les épaules. En voilà des affaires pour un homme ! Est-ce que, du moment où deux femmes se trouvaient ensemble avec leurs amants, la première idée n’était pas de se les faire ? C’était réglé, ça. Elle, par exemple, si elle avait voulu, aurait arraché les yeux de Gaga, à cause d’Hector. Ah ! ouiche ! elle s’en moquait. Puis, comme la Faloise passait, elle se contenta de lui dire :

— Écoute donc, tu les aimes avancées, toi ! Ce n’est pas mûres, c’est blettes qu’il te les faut.

La Faloise parut très vexé. Il restait inquiet.