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LES ROUGON-MACQUART

poivre et de vitriol ; ça ne m’a rien fait… Je ne puis pas me griser.

Depuis un instant, la figure de la Faloise, en face, lui déplaisait. Il ricanait, il lançait des mots désagréables. La Faloise, dont la tête tournait, se remuait beaucoup, en se serrant contre Gaga. Mais une inquiétude avait achevé de l’agiter : on venait de lui prendre son mouchoir, il réclamait son mouchoir avec l’entêtement de l’ivresse, interrogeant ses voisins, se baissant pour regarder sous les sièges et sous les pieds. Et, comme Gaga tâchait de le tranquilliser :

— C’est stupide, murmura-t-il ; il y a, au coin, mes initiales et ma couronne… Ça peut me compromettre.

— Dites donc, monsieur Falamoise, Lamafoise, Mafaloise ! cria Foucarmont, qui trouva très spirituel de défigurer ainsi à l’infini le nom du jeune homme.

Mais la Faloise se fâcha. Il parla de ses ancêtres en bégayant. Il menaça d’envoyer une carafe à la tête de Foucarmont. Le comte de Vandeuvres dut intervenir pour lui assurer que Foucarmont était très drôle. Tout le monde riait, en effet. Cela ébranla le jeune homme ahuri, qui voulut bien se rasseoir ; et il mangeait avec une obéissance d’enfant, lorsque son cousin lui ordonnait de manger, en grossissant la voix. Gaga l’avait repris contre elle ; seulement, de temps à autre, il jetait sur les convives des regards sournois et anxieux, cherchant toujours son mouchoir.

Alors, Foucarmont, en veine d’esprit, attaqua Labordette, à travers toute la table. Louise Violaine tâchait de le faire taire, parce que, disait-elle, quand il était comme ça taquin avec les autres, ça finissait toujours mal pour elle. Il avait trouvé une plai-