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LES ROUGON-MACQUART

Léa en tenaient pour l’empereur d’Autriche. Tout d’un coup, on entendit la petite Maria Blond qui disait :

— En voilà un vieux seccot que le roi de Prusse !… J’étais à Bade, l’année dernière. On le rencontrait toujours avec le comte de Bismarck.

— Tiens ! Bismarck, interrompit Simonne, je l’ai connu, moi… Un homme charmant.

— C’est ce que je disais hier, s’écria Vandeuvres ; on ne voulait pas me croire.

Et, comme chez la comtesse Sabine, on s’occupa longuement du comte de Bismarck. Vandeuvres répéta les mêmes phrases. Un instant, on fut de nouveau dans le salon des Muffat ; seules, les dames étaient changées. Justement, on passa à la musique. Puis, Foucarmont ayant laissé échapper un mot de la prise de voile dont Paris causait, Nana, intéressée, voulut absolument avoir des détails sur mademoiselle de Fougeray. Oh ! la pauvre petite, s’enterrer comme ça vivante ! Enfin, quand la vocation avait parlé ! Autour de la table, les femmes étaient très touchées. Et Georges, ennuyé d’entendre ces choses une seconde fois, interrogeait Daguenet sur les habitudes intimes de Nana, lorsque la conversation revint fatalement au comte de Bismarck. Tatan Néné se penchait à l’oreille de Labordette pour demander qui était ce Bismarck, qu’elle ne connaissait pas. Alors, Labordette, froidement, lui conta des histoires énormes : ce Bismarck mangeait de la viande crue ; quand il rencontrait une femme près de son repaire, il l’emportait sur son dos ; il avait déjà eu de cette manière trente-deux enfants, à quarante ans.

— À quarante ans, trente-deux enfants ! s’écria Tatan Néné, stupéfaite et convaincue. Il doit être joliment fatigué pour son âge.