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NANA


— Voilà ! Tu es dans le vrai, ma fille… Une femme, ce n’est fait que pour ça.

On se réveilla un peu, la conversation devint générale. On achevait des sorbets aux mandarines. Le rôti chaud était un filet aux truffes, et le rôti froid, une galantine de pintade à la gelée. Nana, que fâchait le manque d’entrain de ses convives, s’était mise à parler très haut.

— Vous savez que le prince d’Écosse a déjà fait retenir une avant-scène pour voir la Blonde Vénus, quand il viendra visiter l’exposition.

— J’espère bien que tous les princes y passeront, déclara Bordenave, la bouche pleine.

— On attend le shah de Perse dimanche, dit Lucy Stewart.

Alors, Rose Mignon parla des diamants du shah. Il portait une tunique entièrement couverte de pierreries, une merveille, un astre flambant, qui représentait des millions. Et ces dames, pâles, les yeux luisants de convoitise, allongeaient la tête, citaient les autres rois, les autres empereurs qu’on attendait. Toutes rêvaient de quelque caprice royal, d’une nuit payée d’une fortune.

— Dites donc, mon cher, demanda Caroline Héquet à Vandeuvres, en se penchant, quel âge a l’empereur de Russie ?

— Oh ! il n’a pas d’âge, répondit le comte qui riait. Rien à faire, je vous en préviens.

Nana affecta de paraître blessée. Le mot semblait trop raide, on protesta par un murmure. Mais Blanche donnait des détails sur le roi d’Italie, qu’elle avait vu une fois à Milan ; il n’était guère beau, ce qui ne l’empêchait pas d’avoir toutes les femmes ; et elle resta ennuyée, lorsque Fauchery assura que Victor-Emmanuel ne pourrait venir. Louise Violaine et