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fut refermée, un silence régna. Nantas et Flavie se regardaient. Ils ne s’étaient point vus encore. Elle lui parut très belle, avec son visage pâle et hautain, dont les grands yeux gris ne se baissaient pas. Peut-être avait-elle pleuré depuis trois jours qu’elle n’avait pas quitté sa chambre ; mais la froideur de ses joues devait avoir glacé ses larmes. Ce fut elle qui parla la première.

— Alors, monsieur, cette affaire est terminée ?

— Oui, madame, répondit simplement Nantas.

Elle eut une moue involontaire, en l’enveloppant d’un long regard, qui semblait chercher en lui sa bassesse.

— Allons, tant mieux, reprit-elle. Je craignais de ne trouver personne pour un tel marché.

Nantas sentit, à sa voix, tout le mépris dont elle l’accablait. Mais il releva la tête. S’il avait tremblé devant le père, en sachant qu’il le trompait, il entendait être solide et carré en face de la fille, qui était sa complice.

— Pardon, madame, dit-il tranquillement, avec une grande politesse, je crois que vous vous méprenez sur la situation que nous fait à tous deux ce que vous venez d’appeler très justement un marché. J’entends que, dès aujourd’hui, nous nous mettions sur un pied d’égalité…