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cles sans une souillure ; n’y sentez-vous pas un honneur séculaire, une tradition de dignité et de respect ? Eh bien ! monsieur, vous avez souffleté tout cela. J’ai failli en mourir, et aujourd’hui mes mains tremblent, comme si j’avais brusquement vieilli de dix ans… Taisez-vous et écoutez-moi.

Nantas était devenu très pâle. Il avait accepté là un rôle bien lourd. Pourtant, il voulut prétexter l’aveuglement de la passion.

— J’ai perdu la tête, murmura-t-il en tâchant d’inventer un roman. Je n’ai pu voir mademoiselle Flavie…

Au nom de sa fille, le baron se leva et cria d’une voix de tonnerre :

— Taisez-vous ! Je vous ai dit que je ne voulais rien savoir. Que ma fille soit allée vous chercher, ou que ce soit vous qui soyez venu à elle, cela ne me regarde pas. Je ne lui ai rien demandé, je ne vous demande rien. Gardez tous les deux vos confessions, c’est une ordure où je n’entrerai pas.

Il se rassit, tremblant, épuisé. Nantas s’inclinait, troublé profondément, malgré l’empire qu’il avait sur lui-même. Au bout d’un silence, le vieillard reprit de la voix sèche d’un homme qui traite une affaire :