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que les pluies avaient crevé. L’air était frais, il faisait bon à la fenêtre. Le jeune homme rentra dans sa chambre pour rouler une cigarette. Mais, comme il revenait lentement s’accouder, un bruit épouvantable, un grondement de tonnerre, se fit entendre ; et il se précipita.

C’était un éboulement. Il distingua seulement Toine qui se sauvait en agitant sa bêche, dans un nuage de terre rouge. Au bord du gouffre, le vieil olivier aux branches tordues s’enfonçait, tombait tragiquement à la mer. Un rejaillissement d’écume montait. Cependant, un cri terrible avait traversé l’espace. Et Frédéric aperçut alors Naïs, qui, sur ses bras raidis, emportée par un élan de tout son corps, se penchait au-dessus du parapet de la terrasse, pour voir ce qui se passait au bas de la falaise. Elle restait là, immobile, allongée, les poignets comme scellés dans la pierre. Mais elle eut sans doute la sensation que quelqu’un la regardait, car elle se tourna, elle cria en voyant Frédéric :

— Mon père ! Mon père !

Une heure après, on trouva, sous les pierres, le corps de Micoulin mutilé horriblement. Toine, fiévreux, racontait qu’il avait failli être entraîné ; et tout le pays déclarait qu’on n’aurait pas dû