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vit maintenant, dans un repos que la Providence lui devait bien, après tous les malheurs dont elle l’a accablé. Il engraisse, il refleurit, bourgeoisement vêtu, ayant la mine bon enfant et honnête d’un ancien militaire. Les paysans le saluent très bas. Lui, chasse et pêche à la ligne. On le rencontre au soleil, dans les chemins, regardant pousser les blés, avec la conscience tranquille d’un homme qui n’a volé personne et qui mange des rentes rudement gagnées. Lorsque sa fille vient avec des messieurs, il sait garder son rang. Ses grandes joies sont les jours où elle s’échappe et où ils déjeunent ensemble, dans le petit pavillon. Alors, il lui parle avec des bégaiements de nourrice, il regarde ses toilettes d’un air d’adoration ; et ce sont des déjeuners délicats, toutes sortes de bonnes choses qu’il fait cuire lui-même, sans compter le dessert, des gâteaux et des bonbons, que Louise apporte dans ses poches.

Damour n’a jamais cherché à revoir sa femme. Il n’a plus que sa fille, qui a eu pitié de son vieux père, et qui fait son orgueil et sa joie. Du reste, il s’est également refusé à tenter la moindre démarche pour rétablir son état civil. À quoi bon déranger les écritures du gouvernement ? Cela augmente la tranquillité autour de lui. Il est dans