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le pauvre Eugène, vêtu de son uniforme de garde national, semblait une ombre d’émeutier, perdu dans la légende. Mais, ayant retourné la carte, le père lut ce qu’il avait écrit là, autrefois : « Je te vengerai » ; et, agitant un couteau à dessert au-dessus de sa tête, il refit son serment :

— Oui, oui, je te vengerai !

— Quand j’ai vu que maman tournait mal, raconta Louise, je n’ai pas voulu lui laisser le portrait de mon pauvre frère. Un soir, je le lui ai chipé… C’est pour toi, papa. Je te le donne.

Damour avait posé la photographie contre son verre, et il la regardait toujours. Cependant, on finit par causer raison. Louise, le cœur sur la main, voulait tirer son père d’embarras. Un instant, elle parla de le prendre avec elle ; mais ce n’était guère possible. Enfin, elle eut une idée : elle lui demanda s’il consentirait à garder une propriété, qu’un monsieur venait de lui acheter, près de Mantes. Il y avait là un pavillon, où il vivrait très bien, avec deux cents francs par mois.

— Comment donc ! mais c’est le paradis ! cria Berru qui acceptait pour son camarade. S’il s’ennuie, j’irai le voir.

La semaine suivante, Damour était installé au Bel-Air, la propriété de sa fille, et c’est là qu’il