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n’avait plus trouvé la force de parler. Aussi tremblait-elle toujours, croyant voir entrer son premier mari à chaque heure, s’imaginant des scènes atroces. Le pis était qu’on devait se douter de quelque chose dans la boutique, car les garçons ricanaient, et quand madame Vernier, régulièrement, venait chercher ses deux côtelettes, elle avait une façon inquiétante de ramasser sa monnaie. Enfin, un soir, Félicie se jeta au cou de Sagnard, et lui avoua tout, en sanglotant. Elle répéta ce qu’elle avait dit à Damour : ce n’était pas sa faute, car lorsque les gens sont morts, ils ne devraient pas revenir. Sagnard, encore très vert pour ses soixante ans, et qui était un brave homme, la consola. Mon Dieu ! Ça n’avait rien de drôle, mais ça finirait par s’arranger. Est-ce que tout ne s’arrangeait pas ? Lui, en gaillard qui avait de l’argent et qui était carrément planté dans la vie, éprouvait surtout de la curiosité. On le verrait, ce revenant, on lui parlerait. L’histoire l’intéressait, et cela au point que, huit jours plus tard, l’autre ne paraissant pas, il dit à sa femme :

— Eh bien ! quoi donc ? Il nous lâche ?… Si tu savais son adresse, j’irais le trouver, moi.

Puis, comme elle le suppliait de se tenir tranquille, il ajouta :