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sa mère, Frédéric traitait Naïs presque durement, en servante maladroite. La jeune fille grondée baissait les yeux, avec une sournoiserie heureuse, comme pour jouir de ces fâcheries.

Un matin, au déjeuner, Naïs cassa un saladier. Frédéric s’emporta.

— Est-elle sotte ! cria-t-il. Où a-t-elle la tête ?

Et il se leva furieux, en ajoutant que son pantalon était perdu. Une goutte d’huile l’avait taché au genou. Mais il en faisait une affaire.

— Quand tu me regarderas ! Donne-moi une serviette et de l’eau… Aide-moi.

Naïs trempa le coin d’une serviette dans une tasse, puis se mit à genoux devant Frédéric, pour frotter la tache.

— Laisse, répétait madame Rostand. C’est comme si tu ne faisais rien.

Mais la jeune fille ne lâchait point la jambe de son maître, qu’elle continuait à frotter de toute la force de ses beaux bras. Lui, grondait toujours des paroles sévères.

— Jamais on n’a vu une pareille maladresse… Elle l’aurait fait exprès que ce saladier ne serait pas venu se casser plus près de moi… Ah bien ! si elle nous servait à Aix, notre porcelaine serait vite en pièces !