Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/306

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Puisqu’on te dit que la pêche est meilleure quand la mer monte ! répondait sa femme.

— Et elle monte ferme ! ajoutait à demi-voix Hector, les yeux allumés d’une lueur de méchanceté.

En effet, les vagues s’allongeaient, mangeaient les rochers avec une clameur plus haute. Des flots brusques envahissaient d’un coup toute une langue de terre. C’était la mer conquérante, reprenant pied à pied le domaine qu’elle balayait de sa houle depuis des siècles. Estelle avait découvert une mare plantée de longues herbes, souples comme des cheveux, et elle y prenait des crevettes énormes, s’ouvrant un sillon, laissant derrière elle la trouée d’un faucheur. Elle se débattait, elle ne voulait pas qu’on l’arrachât de là.

— Tant pis ! je m’en vais ! s’écria M. Chabre, qui avait des larmes dans la voix. Il n’y a pas de bon sens, nous allons tous y rester.

Il partit le premier, sondant avec désespoir la profondeur des trous, à l’aide du manche de son filet. Quand il fut à deux ou trois cents pas, Hector décida enfin Estelle à le suivre.

— Nous allons avoir de l’eau jusqu’aux épaules disait-il en souriant. Un vrai bain pour monsieur Chabre… Voyez déjà comme il enfonce !