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vaient ; souvent, on y entendait des miaulements de chattes amoureuses, dont on voyait les silhouettes hérissées et les grandes queues balayant l’air. C’était un coin délicieux, envahi par les végétations folles, planté de fenouils gigantesques, aux larges ombelles jaunes, d’une odeur si pénétrante, qu’après les journées chaudes, des souffles d’anis, venus des tombes, embaumaient Piriac tout entier. Et, la nuit, quel champ tranquille et tendre ! La paix du village endormi semblait sortir du cimetière. L’ombre effaçait les croix, des promeneurs attardés s’asseyaient sur des bancs de granit, contre le mur, pendant que la mer, en face, roulait ses vagues, dont la brise apportait la poussière salée.

Estelle, un soir qu’elle rentrait au bras d’Hector, eut l’envie de traverser le champ désert. M. Chabre trouva l’idée romanesque et protesta en suivant le quai. Elle dut quitter le bras du jeune homme, tant l’allée était étroite. Au milieu des hautes herbes, sa jupe faisait un long bruit. L’odeur des fenouils était si forte, que les chattes amoureuses ne se sauvaient point, pâmées sous les verdures. Comme ils entraient dans l’ombre de l’église, elle sentit à sa taille la main d’Hector. Elle eut peur et jeta un cri.