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château. Il me plaisait de rêver un coin d’élégante débauche, des amants marchant pieds nus et sans chandelle le long des corridors, allant rejoindre des dames dans des chambres discrètes, dont les portes restaient entrebâillées. C’étaient là des régals de Parisiennes perverses, promptes à profiter des libertés de la campagne, qui donnaient un regain de vivacité à leur liaison près de se rompre. Et, tout d’un coup, j’ai eu la conviction que mon rêve était une réalité, en voyant sortir du vestibule Berthe et mon ami Félix, l’un et l’autre nonchalants, comme brisés, malgré la grasse nuit qu’ils venaient de dormir.

— Vous n’êtes pas souffrante ? a demandé obligeamment Louise à son amie.

— Non, merci. Seulement, vous savez, le changement, ça vous rend toute nerveuse… Et puis, au petit jour, il y a des oiseaux qui ont fait un bruit !

J’avais serré la main de Félix. Et, je ne sais pourquoi, au sourire que les deux femmes ont échangé, tandis que Gaucheraud sifflotait, le dos arrondi et complaisant, il m’est venu la pensée que Louise n’ignorait rien de ce qui se passait chez elle. Elle devait entendre la nuit ces pas d’homme le long des corridors, ces portes ouvertes et refermées avec des lenteurs sages, ces souffles d’a-