Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/240

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que je venais de remarquer chez mon père. Lui qui, pendant dix ans, s’était emporté contre le nouvel état de choses, en me défendant de jamais servir la République, m’avait laissé entendre, dès le soir de mon arrivée, qu’un garçon de mon âge se devait à son pays. Je soupçonnais ma tante de cette conversion. On devait avoir lâché des femmes sur lui. Louise souriait, en m’écoutant. Elle finit par dire :

— J’ai rencontré monsieur de Vaugelade, il y a trois jours, dans un château voisin, où je me trouvais en visite… Nous avons causé.

Puis, elle a ajouté vivement :

— Vous savez que cette élection au conseil général a lieu dimanche. Vous allez vous mettre en campagne tout de suite… Avec votre père, le succès de mon mari est certain.

— Monsieur Neigeon est ici ? ai-je demandé après une hésitation.

— Oui, il est arrivé hier soir… Mais vous ne le verrez pas ce matin, car il est reparti du côté de Gommerville, pour déjeuner chez un propriétaire de ses amis, qui a une grande influence.

Elle s’était levée, je suis resté assis un instant encore, regrettant décidément de ne pas lui avoir baisé le cou. Jamais je ne retrouverais un