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Berthe qui la lançait dans des conversations hardies, avec une insistance dont j’ai été frappé plus tard.

— Donnez donc le bras à madame Neigeon, a fini par me dire cette dernière. Vous n’êtes pas galant, vous voyez bien qu’elle est fatiguée.

J’ai offert mon bras à Louise, qui s’y est appuyée tout de suite. Berthe avait rejoint son mari et Félix, nous restions seuls, à plus de quarante pas de distance. La route montait le coteau, et nous avons marché très lentement. En bas, la Seine coulait, entre des prairies étalées comme des tapis de velours vert. Il y avait là une île mince et longue, que coupaient les deux ponts, où des trains passaient avec un roulement lointain de foudre. Puis, de l’autre côté de l’eau, une plaine immense, des cultures s’étendaient jusqu’au mont Valérien, dont on apercevait, au bord du ciel, les constructions grises, dans un poudroiement de soleil. Et, surtout, ce qui m’attendrissait aux larmes, c’était l’odeur de printemps répandue autour de nous, montant des herbes, aux deux bords de la route.

— Retournez-vous bientôt au Boquet ? m’a demandé Louise.