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trouvé ces plaisanteries ineptes, deux jours auparavant. Mais elles ne me blessaient plus, j’y goûtais au contraire une jouissance, parce qu’elles me semblaient mettre une sorte de complicité galante entre Louise et moi. La pièce était leste, et elle riait surtout des mots risqués. Il suffisait qu’elle fût dans une baignoire, cela devenait une débauche permise. Quand nos yeux se rencontraient au milieu d’un éclat de rire, elle ne baissait pas la tête. Rien ne m’a paru d’une perversion plus raffinée, je me disais que trois heures passées ainsi, dans cette communauté de gaillardises, devaient fort avancer mes affaires. D’ailleurs, toute la salle s’amusait, beaucoup de femmes, au balcon, ne jouaient même pas de l’éventail.

Pendant un entr’acte, nous sommes allés saluer ces dames. Gaucheraud venait de sortir, nous avons pu nous asseoir. La baignoire était sombre, je sentais Louise près de moi. Ses jupes ont débordé, à un mouvement qu’elle a fait, et m’ont couvert les genoux. J’ai emporté la sensation de ce frôlement, comme un premier aveu muet, qui nous liait l’un à l’autre.