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ment, un grand monsieur sec en train de prendre des notes. Mais je regardais à peine. Je venais d’apercevoir, dans une salle voisine, accoudées à la barre d’appui, devant la cimaise, deux dames qui examinaient curieusement un petit tableau. Ce n’a été d’abord qu’un éclair : sous les bavolets des chapeaux, j’avais vu d’épaisses tresses noires et tout un ébouriffement de cheveux blonds ; puis, la vision s’en était allée, un flot de foule, des têtes moutonnantes avaient noyé les deux dames. Mais j’aurais juré que c’étaient elles. Au bout de quelques pas, entre les têtes sans cesse en mouvement, j’ai retrouvé tantôt les cheveux blonds, tantôt les tresses noires. Je n’ai rien dit à Félix, je me suis contenté de le conduire dans la salle voisine, en manœuvrant de façon à ce qu’il parût reconnaître ces dames le premier. Les avait-il vues comme moi ? je le croirais, car il m’a jeté un regard oblique, d’une fine ironie.

— Ah ! quelle heureuse rencontre ! s’est-il écrié en saluant.

Ces dames se sont tournées et ont souri. J’attendais le coup de cette deuxième entrevue. Il a été décisif. Madame Neigeon m’a bouleversé, d’un simple regard de ses yeux noirs, tandis qu’il m’a semblé retrouver une amie dans madame Gau-