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j’ai haussé les épaules, car je ne suis pas fat.

Hier, pour la première fois, j’ai passé la soirée dans un salon parisien. La comtesse de P***, qui est un peu ma tante, m’avait invité à dîner. C’était son dernier samedi. Elle voulait me présenter à M. Neigeon, un député de notre arrondissement de Gommerville, qui vient d’être nommé sous-secrétaire d’État, et qui est, dit-on, en passe de devenir ministre. Ma tante, beaucoup plus tolérante que mon père, m’a nettement déclaré qu’un jeune homme de mon âge ne pouvait bouder son pays, fût-il en république. Elle veut me caser quelque part.

— Je me charge de catéchiser ce vieil entêté de Vaugelade, m’a-t-elle dit. Laisse-moi faire, mon cher Georges.

À sept heures précises, j’étais chez la comtesse. Mais il paraît qu’on dîne tard, à Paris ; les convives arrivaient un à un, et à sept heures et demie, tous n’étaient point là. La comtesse m’a appris d’un air de désespoir qu’elle n’avait pu avoir M. Neigeon ; il se trouvait retenu à Versailles par je ne sais quelle complication parlementaire. Cependant, elle espérait encore qu’il paraîtrait un moment dans la soirée. Voulant boucher le trou, elle avait invité un autre député de notre dépar-