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au rez-de-chaussée, et d’où l’on nous montait la nourriture. Je levai les yeux, je regardai la dernière fenêtre du troisième étage, à gauche. Elle était grande ouverte. Tout à coup, une jeune femme, ébouriffée, la camisole de travers, vint s’accouder ; et, derrière elle, un jeune homme qui la poursuivait, avança la tête et la baisa au cou. Ce n’était pas Marguerite. Je n’éprouvai aucune surprise. Il me sembla que j’avais rêvé cela et d’autres choses encore que j’allais apprendre.

Un instant, je demeurai dans la rue, indécis, songeant à monter et à questionner ces amoureux qui riaient toujours, au grand soleil. Puis, je pris le parti d’entrer dans le petit restaurant, en bas. Je devais être méconnaissable : ma barbe avait poussé pendant ma fièvre cérébrale, mon visage s’était creusé. Comme je m’asseyais à une table, je vis justement madame Gabin qui apportait une tasse, pour acheter deux sous de café ; et elle se planta devant le comptoir, elle entama avec la dame de l’établissement les commérages de tous les jours. Je tendis l’oreille.

— Eh bien ! demandait la dame, cette pauvre petite du troisième a donc fini par se décider ?

— Que voulez-vous ? répondit madame Gabin,