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le tranquille dédain des familles du Midi, même les plus riches, pour le confort et le luxe, dans cette bienheureuse contrée du soleil où la vie se passe au-dehors. Les Rostand n’avaient certainement pas conscience de la mélancolie, du froid mortel qui désolaient ces grandes salles, dont la tristesse de ruines semblait accrue par la rareté et la pauvreté des meubles.

L’avoué était pourtant un homme fort adroit. Son père lui avait laissé une des meilleures études d’Aix, et il trouvait moyen d’augmenter sa clientèle par une activité rare dans ce pays de paresse. Petit, remuant, avec un fin visage de fouine, il s’occupait passionnément de son étude. Le soin de sa fortune le tenait d’ailleurs tout entier, il ne jetait même pas les yeux sur un journal, pendant les rares heures de flânerie qu’il tuait au cercle. Sa femme, au contraire, passait pour une des femmes intelligentes et distinguées de la ville. Elle était née de Villebonne, ce qui lui laissait une auréole de dignité, malgré sa mésalliance. Mais elle montrait un rigorisme si outré, elle pratiquait ses devoirs religieux avec tant d’obstination étroite, qu’elle avait comme séché dans l’existence méthodique qu’elle menait.

Quant à Frédéric, il grandissait entre ce père