Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/184

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

charnais ainsi, tout un plan s’était développé dans ma tête. Ce clou devenait le salut. Il me le fallait quand même. Mais serait-il temps encore ? La faim me torturait, je dus m’arrêter, en proie à un vertige qui me laissait les mains molles, l’esprit vacillant. J’avais sucé les gouttes qui coulaient de la piqûre de mon pouce. Alors, je me mordis le bras, je bus mon sang, éperonné par la douleur, ranimé par ce vin tiède et âcre qui mouillait ma bouche. Et je me remis au clou des deux mains, je réussis à l’arracher.

Dès ce moment, je crus au succès. Mon plan était simple. J’enfonçai la pointe du clou dans le couvercle et je traçai une ligne droite, la plus longue possible, où je promenai le clou, de façon à pratiquer une entaille. Mes mains se roidissaient, je m’entêtais furieusement. Quand je pensai avoir assez entamé le bois, j’eus l’idée de me retourner, de me mettre sur le ventre, puis, en me soulevant sur les genoux et sur les coudes, de pousser des reins. Mais, si le couvercle craqua, il ne se fendit pas encore. L’entaille n’était pas assez profonde. Je dus me replacer sur le dos et reprendre la besogne, ce qui me coûta beaucoup de peine. Enfin, je tentai un nouvel effort, et cette fois le couvercle se brisa, d’un bout à l’autre.