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par ma chair, suçant ma peau avec l’envie d’y enfoncer les dents.

Ah ! comme je désirais la mort, à cette heure ! Toute ma vie, j’avais tremblé devant le néant ; et je le voulais, je le réclamais, jamais il ne serait assez noir. Quel enfantillage que de redouter ce sommeil sans rêve, cette éternité de silence et de ténèbres ! La mort n’était bonne que parce qu’elle supprimait l’être d’un coup, pour toujours. Oh ! dormir comme les pierres, rentrer dans l’argile, n’être plus !

Mes mains tâtonnantes continuaient machinalement à se promener contre le bois. Soudain, je me piquai au pouce gauche, et la légère douleur me tira de mon engourdissement. Qu’était-ce donc ? Je cherchai de nouveau, je reconnus un clou, un clou que les croque-morts avaient enfoncé de travers, et qui n’avait pas mordu dans le bord du cercueil. Il était très long, très pointu. La tête tenait dans le couvercle, mais je sentis qu’il remuait. À partir de cet instant, je n’eus plus qu’une idée : avoir ce clou. Je passai ma main droite sur mon ventre, je commençai à l’ébranler. Il ne cédait guère, c’était un gros travail. Je changeais souvent de main, car la main gauche, mal placée, se fatiguait vite. Tandis que je m’a-