Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/172

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mes oreilles, dans cette chambre de la rue Dauphine, ce fut cette phrase de madame Gabin :

— Descendez doucement, et méfiez-vous de la rampe au second, elle ne tient plus.

On m’emportait, j’avais la sensation d’être roulé dans une mer houleuse. D’ailleurs, à partir de ce moment, mes souvenirs sont très vagues. Je me rappelle pourtant que l’unique préoccupation qui me tenait encore, préoccupation imbécile et comme machinale, était de me rendre compte de la route que nous prenions pour aller au cimetière. Je ne connaissais pas une rue de Paris, j’ignorais la position exacte des grands cimetières, dont on avait parfois prononcé les noms devant moi, et cela ne m’empêchait pas de concentrer les derniers efforts de mon intelligence, afin de deviner si nous tournions à droite ou à gauche. Le corbillard me cahotait sur les pavés. Autour de moi, le roulement des voitures, le piétinement des passants faisaient une clameur confuse que développait la sonorité du cercueil. D’abord, je suivis l’itinéraire avec assez de netteté. Puis, il y eut une station, on me promena, et je compris que nous étions à l’église. Mais, quand le corbillard s’ébranla de nouveau, je perdis toute conscience des lieux que nous traversions. Une