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— Oh ! vous savez, dit un des hommes, toutes les gamines sont comme ça… Lorsqu’il y a un mort quelque part, elles sont toujours à tourner autour.

J’étais allongé commodément, et j’aurais pu croire que je me trouvais encore sur le lit, sans une gêne de mon bras gauche, qui était un peu serré contre une planche. Ainsi qu’ils le disaient, je tenais très bien là-dedans, grâce à ma petite taille.

— Attendez, s’écria madame Gabin, j’ai promis à sa femme de lui mettre un oreiller sous la tête.

Mais les hommes étaient pressés, ils fourrèrent l’oreiller en me brutalisant. Un d’eux cherchait partout le marteau, avec des jurons. On l’avait oublié en bas, et il fallut descendre. Le couvercle fut posé, je ressentis un ébranlement de tout mon corps, lorsque deux coups de marteau enfoncèrent le premier clou. C’en était fait, j’avais vécu. Puis, les clous entrèrent un à un, rapidement, tandis que le marteau sonnait en cadence. On aurait dit des emballeurs clouant une boîte de fruits secs, avec leur adresse insouciante. Dès lors, les bruits ne m’arrivèrent plus qu’assourdis et prolongés, résonnant d’une étrange manière, comme si le cercueil de sapin s’était transformé en une grande caisse d’harmonie. La dernière parole qui frappa