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Puis, je compris, en entendant de nouveau les larmes de Marguerite. C’était la bière.

— Vous venez trop tôt, dit madame Gabin d’un air de mauvaise humeur. Posez ça derrière le lit.

Quelle heure était-il donc ? Neuf heures peut-être. Ainsi, cette bière était déjà là. Et je la voyais dans la nuit épaisse, toute neuve, avec ses planches à peine rabotées. Mon Dieu ! est-ce que tout allait finir ? est-ce qu’on m’emporterait dans cette boîte, que je sentais à mes pieds ?

J’eus pourtant une suprême joie. Marguerite, malgré sa faiblesse, voulut me donner les derniers soins. Ce fut elle qui, aidée de la vieille femme, m’habilla, avec une tendresse de sœur et d’épouse. Je sentais que j’étais une fois encore entre ses bras, à chaque vêtement qu’elle me passait. Elle s’arrêtait, succombant sous l’émotion ; elle m’étreignait, elle me baignait de ses pleurs. J’aurais voulu pouvoir lui rendre son étreinte, en lui criant : « Je vis ! » et je restais impuissant, je devais m’abandonner comme une masse inerte.

— Vous avez tort, tout ça est perdu, répétait madame Gabin.

Marguerite répondait de sa voix entrecoupée :

— Laissez-moi, je veux lui mettre ce que nous avons de plus beau.