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Il respira un moment cet air qui lui rappelait les luttes d’autrefois. Puis, il s’approcha de la fenêtre et il aperçut la même échappée de Paris, les arbres de l’hôtel, la Seine, les quais, tout un coin de la rive droite, où le flot des maisons roulait, se haussait, se confondait, jusqu’aux lointains du Père-Lachaise.

Le revolver était sur la table boiteuse, à portée de sa main. Maintenant, il n’avait plus de hâte, il était certain que personne ne viendrait et qu’il se tuerait à sa guise. Il songeait et se disait qu’il se retrouvait au même point que jadis, ramené au même lieu, dans la même volonté du suicide. Un soir déjà, à cette place, il avait voulu se casser la tête ; il était trop pauvre alors pour acheter un pistolet, il n’avait que le pavé de la rue, mais la mort était quand même au bout. Ainsi, dans l’existence, il n’y avait donc que la mort qui ne trompât pas, qui se montrât toujours sûre et toujours prête. Il ne connaissait qu’elle de solide, il avait beau chercher, tout s’était continuellement effondré sous lui, la mort seule restait une certitude. Et il éprouva le regret d’avoir vécu dix ans de trop. L’expérience qu’il avait faite de la vie, en montant à la fortune et au pouvoir, lui paraissait puérile. À quoi bon