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fixés sur les siens. Souvent, maintenant, elle le regardait ainsi. Son regard ne s’attendrissait pas, elle l’écoutait simplement et semblait chercher à lire au delà de son visage. Nantas pensa qu’elle craignait d’avoir été trahie. Aussi fit-il un effort pour paraître d’esprit dégagé : il causa beaucoup, s’éleva très haut, finit par convaincre son beau-père, qui céda devant sa grande intelligence. Flavie le regardait toujours ; et une mollesse à peine sensible avait un instant passé sur sa face.

Jusqu’à minuit, Nantas travailla dans son cabinet. Il s’était passionné peu à peu, plus rien n’existait que cette création, ce mécanisme financier qu’il avait lentement construit, rouage à rouage, au travers d’obstacles sans nombre. Quand la pendule sonna minuit, il leva instinctivement la tête. Un grand silence régnait dans l’hôtel. Tout d’un coup, il se souvint, l’adultère était là, au fond de cette ombre et de ce silence. Mais ce fut pour lui une peine que de quitter son fauteuil : il posa la plume à regret, fit quelques pas comme pour obéir à une volonté ancienne, qu’il ne retrouvait plus. Puis, une chaleur lui empourpra la face, une flamme alluma ses yeux. Et il monta à l’appartement de sa femme.

Ce soir-là, Flavie avait congédié de bonne