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mon père ; mais, vraiment, est-ce que j’appartiens à cet homme ?… Maintenant que vous savez tout, emmenez-moi. Il m’a violentée tout à l’heure, je ne resterai pas ici une minute de plus.

Le baron redressa sa taille courbée. Et, silencieux, il alla donner le bras à sa fille. Tous deux traversèrent la pièce, sans que Nantas fît un geste pour les retenir. Puis, à la porte, le vieillard ne laissa tomber que cette parole :

— Adieu, monsieur.

La porte s’était refermée. Nantas restait seul, écrasé, regardant follement le vide autour de lui. Comme Germain venait d’entrer et de poser une lettre sur le bureau, il l’ouvrit machinalement et la parcourut des yeux. Cette lettre, entièrement écrite de la main de l’empereur, l’appelait au ministère des Finances, en termes très obligeants. Il comprit à peine. La réalisation de toutes ses ambitions ne le touchait plus. Dans les caisses voisines, le bruit de l’or avait augmenté ; c’était l’heure où la maison Nantas ronflait, donnant le branle à tout un monde. Et lui, au milieu de ce labeur colossal qui était son œuvre, dans l’apogée de sa puissance, les yeux stupidement fixés sur l’écriture de l’empereur,