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V

M. de Viargue était mort. On avait caché la vérité à Guillaume pour adoucir le coup de la triste nouvelle.

Les circonstances qui accompagnèrent cette mort firent longtemps frissonner les domestiques de la Noiraude. La veille, le comte s’était enfermé comme d’habitude dans son laboratoire. En ne le voyant pas descendre le soir, Geneviève avait paru surprise ; mais il lui arrivait parfois de travailler tard, il montait alors des provisions, et la vieille femme ne le dérangeait pas pour le dîner. Ce soir-là, cependant, elle eut le pressentiment de quelque malheur ; la fenêtre du laboratoire qui, d’ordinaire, luisait sur la campagne, rouge comme une bouche de l’enfer, resta noire toute la nuit.

Le lendemain, Geneviève, inquiète, alla écouter à la porte. Elle n’entendait rien, pas un bruit, pas un souffle. Effrayée de ce silence, elle appela, et ne reçut pas de réponse. Elle s’aperçut alors que la porte était simplement poussée ; ce détail acheva de l’épouvanter, car le comte s’enfermait toujours à double tour. Elle entra. Au milieu de la pièce, le cadavre de M. de Viargue se trouvait étendu sur le dos, les jambes raidies, les bras ouverts et tout convulsionnés ; la tête grimaçante, marbrée de plaques livides, était renversée en arrière, découvrant le