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MADELEINE FÉRAT

sa poitrine, dans chacun de ses membres, possédée à ce point qu’elle croyait sentir son souffle lui courir sur la peau. Alors elle frissonna du frisson qui la brûlait autrefois, quand le jeune homme nouait ses bras autour de son corps. Elle éprouva une secousse indicible, comme si on lui avait arraché un morceau de son être. Elle se mit à pleurer, en se cachant la tête dans l’oreiller, pour que Guillaume ne l’entendît pas. Toute sa faiblesse de femme lui était revenue, il lui semblait qu’elle se trouvait un peu plus seule sur la terre.

Cette crise dura longtemps. Madeleine la prolongea involontairement en se rappelant les jours de tendresse de Jacques ; à chaque détail touchant qui lui revenait du passé, elle était plus désespérée, elle se reprochait comme un crime son indifférence irritée de la journée. Guillaume lui-même, s’il eût connu son histoire, lui aurait dit de se mettre à genoux, de pleurer avec lui. Elle joignait les mains, demandait pardon au mort qu’elle évoquait, et dont elle croyait entendre les cris d’agonie mêlés aux clameurs de la mer.

Un désir violent la prit tout d’un coup. Elle n’essaya pas de lutter contre cette envie irrésistible.

Elle se leva doucement, avec des précautions infinies, pour ne pas réveiller Guillaume. Lorsqu’elle eut posé les pieds sur le tapis, elle l’examina avec inquiétude, redoutant qu’il ne lui demandât où elle allait. Mais il dormait, les yeux encore pleins de larmes. Alors, elle alla chercher la veilleuse et passa dans le salon, prise d’anxiété quand le parquet criait sous ses pieds nus.

Elle marcha droit à l’album, l’ouvrit sur un guéridon, et s’assit devant le portrait de Jacques. C’était Jacques qu’elle venait chercher. Les épaules couvertes de ses cheveux roux dénoués, se serrant avec des frissons dans sa longue chemise, elle regarda longtemps le portrait à la lueur jaune et vacillante de la veilleuse. Un grand silence tombait autour d’elle, et, quand elle prêtait l’oreille, secouée par des terreurs soudaines et sans cause, elle n’en-