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II

Madeleine Férat était fille d’un mécanicien-constructeur. Son père, né dans un petit village des montagnes de l’Auvergne, vint à Paris pour chercher fortune, les pieds nus, les poches vides. C’était un de ces Auvergnats trapus, carrés des épaules, d’un entêtement de brute au travail. Il se mit en apprentissage chez un constructeur de machines, et là, pendant près de dix ans, il lima et forgea de toute la force de ses mains rudes. Il amassa sou à sou quelques milliers de francs. Des le premier coup de marteau qu’il avait donné, il s’était dit qu’il s’arrêterait seulement lorsqu’il aurait économisé la somme nécessaire pour s’établir à son compte.

Quand il se jugea assez riche, il loua une sorte de hangar, du côté de Montrouge, et s’établit chaudronnier. C’était un premier pas vers la fortune, vers les vastes ateliers de construction qu’il rêvait de diriger plus tard. Pendant dix autres années, il vécut dans son hangar, limant et forgeant de plus belle, sans prendre une seule distraction, un seul jour de repos. Peu à peu, il agrandit le hangar, il eut sous ses ordres un plus grand nombre d’ouvriers ; enfin, il put acheter le terrain et faire bâtir