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neviève, croyaient avoir tout éveillés un cauchemar sans cesse renaissant. Ce mélange de religion et de sorcellerie finissait par leur faire perdre le sens réel des choses. Madeleine se sentait entraînée dans une sorte de tourbillon diabolique ; sa raison droite, sous les coups de la vieille femme, chancelait chaque jour davantage. Guillaume menait, comme elle, une vie atroce de secousses nerveuses, de peurs bêtes. Pendant un mois, ils vécurent dans ce milieu d’épouvante. La Noiraude s’emplissait des exorcismes de Geneviève. La chanteuse de cantiques suivait les longs corridors en murmurant des prières, et souvent, la nuit, elle chantait des psaumes, dont les versets se traînaient lugubrement dans le silence. On eût dit qu’elle prenait à tâche de rendre ses maîtres fous à lier.

Les époux avaient un autre sujet d’angoisse. La petite Lucie les frappait cruellement aussi par sa moue de fillette grave qui la faisait ressembler à Jacques. Elle restait forcément à la Noiraude, sa nourrice venant d’entrer en condition chez un bourgeois de Véteuil. Guillaume n’osait avouer qu’elle l’effrayait et qu’il fallait l’envoyer au loin. Il s’efforçait d’oublier sa présence, pendant les longues journées qu’elle passait à son côté, dans la vaste salle. Lucie ne jouait presque plus ; elle restait assise par terre, immobile, muette, comme une grande personne qui réfléchit. Avec cet instinct de tendresse des enfants, elle comprenait que son père la reniait ; elle n’avait guère que trois ans et demi, elle ne pouvait raisonner son abandon, mais elle sentait une affection moins tiède autour d’elle, elle s’attristait de ne plus recevoir de caresses. Madeleine, en voyant que ses jeux turbulents faisaient souffrir son mari, lui avait si souvent répété de se tenir tranquille, d’une voix sévère, qu’elle en était devenue toute timide. Elle marchait doucement, en évitant de faire du bruit ; ses joies bruyantes avaient disparu pour faire place à une sorte de recueillement effrayé. Sa position favorite était de demeurer accroupie devant le feu ; elle prenait ses petits pieds dans ses mains, et se balançait lentement sur son