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avec tout l’entêtement de sa nature. À chaque heure, elle trouvait moyen de revenir à son idée fixe ; le moindre incident lui servait de transition.

— Écoute, mon fils, disait-elle, alors, tu devrais, le soir, venir faire tes prières dans ma chambre, comme lorsque tu étais petit. Tu te souviens : tu joignais les mains, tu répétais une à une les paroles que je prononçais… Cela te sauverait des pièges du démon.

Le jeune homme faisait la sourde oreille, mais la protestante n’en devenait que plus âpre. Elle s’expliquait nettement.

— Toi, reprenait-elle, tu peux encore échapper aux griffes de Satan. Tu n’es pas à jamais souillé et condamné. Mais, prends garde ! si tu restes entre les bras de l’impure, elle t’emportera une de ces nuits dans l’abîme… Une prière rachèterait ton âme. Quand tu es sur la poitrine de cette femme, si tu voulais répéter trois fois une oraison que je vais t’apprendre, elle pousserait un grand cri et tomberait en poussière. Essaie, tu verras.

Madeleine était toujours là ; elle écoutait la vieille folle avec effarement.

Alors Geneviève récitait lentement l’oraison qui devait faire tomber la jeune femme en poussière : « Lubrica, fille de l’enfer, retourne dans les flammes dont tu es sortie pour la damnation des hommes. Que ta peau noircisse, que tes cheveux roux coulent sur ton corps entier et le couvrent d’un poil de bête ! Va-t’en, au nom de Celui dont la pensée te brûle, au nom de Dieu le Père. »

Cette adjuration avait sans doute été composée par la fanatique elle-même. Elle l’accompagnait de certaines recommandations, il fallait la prononcer à trois reprises, et faire chaque fois un signe cabalistique sur le corps de l’impure, la première fois sur le sein gauche, la seconde sur le sein droit, la troisième sur le nombril. C’était après ce troisième signe, que ce corps de neige devait se changer en une fange ignoble.

Les époux, en entendant les divagations atroces de Ge-