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joies charnelles l’exaspérait, elle qui avait vécu dans une virginité rude. Aussi ne pouvait-elle pardonner à la jeune femme sa vie d’amour, les frissons voluptueux dont le duvet de sa peau nacrée frémissait encore. Elle la voyait toujours passer des bras de Jacques aux bras de Guillaume, et ce double abandon lui paraissait une prostitution diabolique, un besoin de sales débauches. Elle n’avait jamais aimé Madeleine, elle se mit à la détester avec un mépris mêlé d’épouvante. Cette forte fille, blanche et rousse, l’effrayait comme une poule avide du sang des jeunes hommes ; si elle l’accablait de sa haine, elle tremblait devant elle, elle se tenait sur la défensive, par crainte de la voir sauter à sa gorge. Elle n’eût pas haï le diable davantage, ni pris contre lui des précautions plus grandes.

Elle continua à vivre dans l’intimité des époux. Elle prenait toujours ses repas avec eux, passait les soirées en leur compagnie. Son attitude rigide et menaçante était une éternelle protestation ; elle les traitait en coupables, les regardait avec des yeux de juge implacable, leur témoignait à toute heure le dégoût et la colère que lui causait leur union. Elle s’efforçait surtout de faire sentir à Madeleine combien elle la méprisait. Quand la jeune femme avait touché un objet, elle évitait de s’en servir, voulant montrer par là qu’elle le considérait comme souillé. Chaque soir, elle se remettait à psalmodier les versets de sa grande Bible. Guillaume l’ayant priée d’aller lire dans sa chambre, elle lui avait fait entendre que ses lectures saintes purifiaient la salle à manger, en chassaient le démon. Et elle s’était entêtée à demeurer là jusqu’à l’heure du coucher, emplissant l’ombre de sa voix bourdonnante. De jour en jour, elle lisait plus haut, elle choisissait des passages plus sanglants ; les histoires où des femmes coupables se trouvaient châtiées, l’incendie de Sodome, la meute de chien dévorant les entrailles de Jézabel, revenaient à chaque instant sur ses lèvres. Alors elle jetait à Madeleine des regards luisants d’une joie