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se révolter, blessait ses faiblesses, ses besoins de tranquillité. Il s’irritait lui-même. Il aurait voulu lui imposer silence. Il crut cependant devoir tenter une fois encore de la calmer ; mais il le fit mollement.

— Nous oublierons, dit-il, nous irons chercher le bonheur plus loin.

Madeleine se mit à rire. Elle nouait ses mains, elle avançait sa face pâle.

— Ah ! tu crois, cria-t-elle, que je vais pouvoir me heurter à chaque pas et conserver ma tête calme et saine. Je ne me sens pas cette force. Il me faut de la paix ou je ne réponds plus de ma raison.

— Voyons, ne te débats pas ainsi, reprit son mari, qui vint à elle et chercha à lui prendre les mains. Tu vois combien je souffre. Épargne-moi. Cessons cette scène cruelle… Demain, quand nous serons apaisés, nous trouverons peut-être une guérison… Il est tard, couchons-nous.

Il n’espérait plus, il voulait simplement s’isoler dans le noir et le silence de la nuit ; il lui semblait qu’il souffrirait moins, lorsqu’il serait étendu entre les draps et que, la bougie éteinte, il n’entendrait plus la voix brève de Madeleine. Il s’approcha du lit, écarta les rideaux, rejeta un coin des couvertures. La jeune femme, toujours adossée contre la grande armoire, le regardait faire d’un air étrange. Quand la couche fut découverte et qu’elle aperçut la blancheur éblouissante de la toile :

— Je ne me coucherai pas, dit-elle… Jamais je ne me mettrai avec toi dans ce lit.

Il se retourna, surpris, ne comprenant pas la raison de cette nouvelle révolte.

— Je ne t’ai pas dit, continua-t-elle, j’ai déjà habité cette chambre avec Jacques… J’ai dormi là, dans ses bras.

Et elle montrait le lit d’un geste significatif. Guillaume recula, revint s’asseoir sur la table. Il y garda le silence,