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nuits de mon enfance. Le jour, on me martyrisait ; je regardais les murailles froides du collège avec des désespoirs de prisonnier enfermé dans une salle de torture ; la nuit, je courais les champs, je me soûlais d’air libre, goûtant une joie profonde à ne plus voir de poing levé sur ma tête. Je menais deux vies, d’une réalité aussi poignante. Va, mes rêves ne peuvent m’avoir trompé. Si nous cherchions, nous trouverions, quelque part sur la terre, mon gouffre de rochers, mon île jetée au milieu d’un large fleuve tranquille. Et c’est pour cela, Madeleine, que je veux m’en aller au hasard, persuadé de rencontrer un jour mes solitudes rêvées. Si tu savais combien elles étaient douces et calmes dans mes songes ! Nous y dormirions d’un bon sommeil, nous y vivrions à jamais loin du monde, loin de tout ce qui nous a blessés. Ce serait la vie devenue rêve… Veux-tu que nous nous mettions en quête de ces coins heureux ? Je les reconnaîtrai, je te dirai : C’est là qu’il faut nous aimer. Et ne ris pas, Madeleine ; ils existent, je les ai vus.

La jeune femme ne riait plus. Des larmes montaient à ses yeux, ses lèvres tremblaient d’émotion. Les paroles de Guillaume, le chant léger qu’il murmurait à son oreille la faisaient pleurer. Combien il l’aimait, et quelle profondeur d’ineffable tendresse elle trouvait en lui ! À son insu, le regret de ne pouvoir se donner à lui entière et sans arrière-pensée redoublait son attendrissement ; mais elle ne croyait alors ressentir dans tout son être que la caresse de ces paroles tombant une à une sur son cœur. Elle baisait de temps à autre son mari au visage, tandis qu’il parlait ; elle se laissait aller sur sa poitrine, ployant sous son étreinte, le tenant elle-même étroitement par le cou. Les bûches embrasées, qui jetaient de grandes flammes jaunes, les éclairaient d’une lumière tiède. Et, derrière eux, la vaste chambre inconnue dormait.

— Enfant, enfant, répéta Madeleine. Va, si nous ne pouvons réaliser ton rêve, nous saurons toujours bien nous aimer.